Si l'Américain Garry Winogrand n’est pas l’inventeur de la photographie de rue, il incarne selon moi l’essence du genre.
De New York à Los Angeles, il passait son temps à errer dans les rues pour photographier des scènes qui lui semblait en valoir le coup. Des passants anonymes immortalisés, souvent à leur insu, dans leur quotidien. Des photos prises à la volée comme des instantanés de vie urbaine.
On peut questionner l’intérêt artistique de la démarche. Pour ma part, j’y vois une source d’inspiration formidable. Mieux : un moyen de changer notre rapport au monde.
C’est bientôt le week-end : faites donc l’expérience. Que vous viviez dans une grande ville ou dans un hameau, munissez-vous d’un appareil photo. Votre smartphone fera l’affaire.
Sortez. Allez vous promener. Avec un seul but : identifier des choses qui pourraient faire l’objet d’une photo. Parce qu’elles sont belles, mystérieuses, insolites ou amusantes. Scrutez le monde autour de vous.
Les images sont timides, elles s’imposent rarement d’elles-mêmes : il faut partir à leur recherche. Un reflet fantomatique dans une vitrine, un couple qui s’enlace sous un arbre, une femme qui marche contre le vent, un jogger courant dans une flaque d’eau, un chien attendant son maître au volant d’une voiture stationnée…
Cherchez partout la beauté et la poésie... et vous les trouverez. Vous ne deviendrez peut-être pas un grand photographe, mais vous réaliserez que votre décor quotidien n’est pas aussi terne qu’il le paraît, et que les gens qui le peuplent sont beaux, pour peu que vous les observiez avec tendresse.
Voilà ce que nous disent les photos de Winogrand. Et ça change tout. Pour citer Shawn Achor : "Notre expérience de la vie est la somme de ce sur quoi nous portons notre attention."
Et comme le week-end aura une fin, posons-nous la question : pourrait-on faire du Winogrand dans nos métiers ? J'en suis sûr. Pas en photographiant nos collègues du matin au soir (ce serait suspect). Mais en cherchant les occasions de nous réjouir et les opportunités à saisir partout où elles se cachent.
Si nos cerveaux sont câblés pour repérer ce qui dysfonctionne, forçons-nous au contraire à voir ce qu’il y a de positif dans notre quotidien. Donnons de l’importance à chaque rencontre, savourons chaque sourire échangé, appuyons chaque poignée de main, apprécions la puissance de chaque idée exprimée, goûtons chaque petite victoire avec autant d’intensité que nous vivons nos échecs. Nous y gagnerons en plaisir, en créativité, en motivation et, à coup sûr, en joie de vivre.
Gardons en tête cette phrase de Winogrand : "Quand vous mettez quatre bords d’un cadre autour de quelque chose, ce quelque chose prend une dimension différente."